Lettre d'information 2023/1
Introduction
La première lettre d’information du TIDM pour 2023 arrive à un moment où l’importance et même le succès des négociations internationales liées aux océans occupent le devant de la scène. Le mois dernier, les négociations sur un accord historique se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale se sont achevées avec succès. Il s’agit véritablement d’une avancée majeure pour la protection et la préservation de nos océans. Je suis heureux de constater que les États continuent à faire confiance au Tribunal, créé par la Convention, en tant qu’organe judiciaire central en la matière et qu’ils attachent de l’importance à son rôle de facilitation du règlement pacifique des différends internationaux, comme le prévoit ce nouvel accord. J’ai également la satisfaction de noter que la compétence consultative du Tribunal peut être invoquée par la Conférence des Parties.
Depuis la publication de la dernière lettre d’information, un certain nombre de développements ont eu lieu dans le travail judiciaire du Tribunal. En octobre 2022, les audiences en l’Affaire No. 28 se sont achevées et la Chambre spéciale constituée pour connaître du Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien (Maurice/Maldives) rendra son arrêt le 28 avril 2023. En décembre, le Tribunal a été saisi d’une Demande d’avis consultatif soumise par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international (Demande d’avis consultatif soumise au Tribunal). Les États Parties, la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international des limites du plateau continental et certaines organisations sélectionnées ont été invités à présenter, d’ici au 16 juin 2023, des exposés écrits sur les questions soumises au Tribunal. La demande d’avis consultatif intervient à un moment où l’importance du lien entre les océans et le climat gagne en reconnaissance et où la nécessité pour les États de répondre à l’urgence climatique devient plus criante, comme en témoignent la demande reçue par le Tribunal et les demandes d’avis consultatif relatif au changement climatique soumises à la Cour internationale de Justice et à la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
En ce qui concerne les autres questions relatives au Tribunal, des élections se dérouleront lors de la prochaine Réunion des États Parties en juin 2023 pour pourvoir sept sièges au Tribunal. Des informations sur la procédure d’élection ainsi que la liste des candidats désignés par les États Parties sont disponibles sur le site Internet du Tribunal.
Avant de conclure, permettez-moi d’exprimer ma gratitude au Gouvernement allemand pour le travail essentiel qu’il a accompli en achevant la modernisation de la salle d’audience du Tribunal. La rotonde dans le hall d’entrée a été rénovée et la salle d’audience est maintenant pleinement opérationnelle, ce qui permettra au Tribunal de conduire ses procédures de façon encore plus efficace que celle sur laquelle il a bâti sa réputation.
Je vous souhaite bonne lecture de cette lettre.
Très chaleureusement,
Le Président
Albert Hoffmann
Affaires devant le Tribunal
Affaire No. 28 : Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien (Maurice/Maldives)
Après une semaine d’audiences dans la salle d’audience provisoire, la procédure orale en l’Affaire No. 28 s’est achevée le 24 octobre 2022. Les archives des webdiffusions, les comptes rendus et un choix de photographies des audiences sont disponibles sur la page consacrée à l’affaire.
La Chambre spéciale rendra son arrêt le 28 avril 2023.
Affaire No. 30 : Affaire du navire « Heroic Idun » (Îles Marshall c. Guinée équatoriale), prompte mainlevée
Par ordonnance du 15 novembre 2022, le Président du Tribunal a pris acte du désistement de l’instance introduite le 10 novembre 2022 par les Îles Marshall contre la Guinée équatoriale et ordonné que l’affaire soit rayée du Rôle des affaires.
Par ordonnance du Président du 15 février 2023, la date d’expiration du délai pour la présentation des exposés écrits au Tribunal a été reportée au 16 juin 2023.
Entretien avec le juge Shunji Yanai (Japon)
Vous êtes l’un des juges du Tribunal qui a le plus d’ancienneté et vous avez une grande expérience du droit international et du règlement des différends internationaux. Qu’est-ce qui vous a incité à devenir juge et à vous spécialiser dans le droit de la mer ?
Je suis né et j’ai grandi dans un pays maritime entouré par des mers et l’océan Pacifique, et tout ce qui touche à la mer m’a toujours intéressé. Une fois entré au Ministère japonais des affaires étrangères, j’ai occupé différents postes au sein du Service juridique, dont celui de Conseiller juridique du Ministre. À ces postes, ainsi qu’à la Mission permanente du Japon auprès de l’ONU, j’ai participé à de nombreuses négociations bilatérales et multilatérales portant sur le droit international, y compris les pêcheries et le plateau continental. Lorsque j’étais à la Mission permanente, la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer s’est ouverte et j’ai assisté à la plupart de ses sessions, à l’exception de la dernière à Caracas. En 2004, mon prédécesseur, le juge Yamamoto, professeur renommé de droit international, m’a fait part de son intention de quitter le TIDM à la fin de son mandat de neuf ans. Je lui ai demandé : « Qui vous succédera ? ». Il m’a répondu : « Pourquoi pas vous ? ». Le Ministère des affaires étrangères m’a également demandé de me présenter à l’élection de 2005 à la Réunion des États Parties à la CNUDM. C’est ainsi que je suis devenu juge.
Vous avez été Président du Tribunal de 2011 à 2014. En quoi le rôle du Président diffère-t-il de celui des autres juges et quels ont été, selon vous, certains des défis auxquels vous avez été confronté dans ce rôle ?
Selon moi, le rôle du Président est quadruple : il administre la conduite des travaux judiciaires, y compris les consultations avec les parties aux différends ; il gère l’administration du Greffe, notamment les questions afférentes au personnel et aux finances, en étroite coopération avec le Greffier/la Greffière ; il représente le Tribunal auprès de la communauté internationale, notamment la Réunion des États Parties à la CNUDM, l’Assemblée générale des Nations Unies, lors de diverses réunions relatives au droit de la mer, et auprès des différents États ; enfin, il exerce une fonction subsidiaire au titre de la Convention, qui est de désigner les arbitres des tribunaux arbitraux visés à l’annexe VII lorsque l’une ou l’autre des parties à un différend n’en désigne pas ou que les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les trois arbitres restants dans les délais prescrits. Dans l’exercice de ces fonctions, le Président est confronté à de nombreux défis. En particulier, les consultations avec les parties sur l’organisation des procédures écrites et orales sont souvent difficiles et, aux audiences, le Président doit décider dans l’instant d’accepter ou de rejeter les objections soulevées par une partie concernant le comportement de l’autre, ou de leur donner toute autre suite qui convient. La gestion du Greffe n’est pas non plus aisée, notamment s’agissant du personnel, car les possibilités de promotion des membres du personnel sont restreintes dans une petite institution comme la nôtre.
Selon vous, quelles sont les contributions importantes que le Tribunal peut apporter à la paix et à la prospérité de la communauté internationale ?
Il va sans dire que la contribution la plus importante du Tribunal est le règlement pacifique des différends maritimes et la clarification des règles du droit de la mer et du droit international par ses avis consultatifs. À ce jour, le Tribunal a rendu 25 arrêts et ordonnances et deux avis consultatifs. En outre, il a contribué au développement progressif du droit de la mer par sa jurisprudence. Voici quelques exemples marquants de cette contribution : l’application du « principe du navire constituant une unité », la première délimitation du plateau continental au-delà de 200 M dans le contentieux international, la clarification du rapport entre la « délinéation » du plateau continental au-delà de 200 M par la CLPC et sa « délimitation » par le Tribunal, la juridiction de l’État côtier sur le soutage par des navires étrangers dans sa ZEE, la clarification par la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins des responsabilités et obligations des États qui patronnent des activités dans la Zone et l’avis consultatif rendu par le Tribunal plénier sur la pêche INN à la demande de la Commission sous-régionale des pêches.
In Memoriam : Juge Vladimir Vladimirovich Golitsyn
C’est avec une grande tristesse que nous faisons nos adieux au juge Vladimir Golitsyn, décédé le 26 mars 2023. Juriste éminent, il a laissé une marque indélébile dans le domaine du droit international, en particulier du droit de la mer, et ses contributions ne seront pas oubliées.
Le juge Golitsyn a été Président du Tribunal de 2014 à 2017, et il a contribué à façonner le travail et la mission du Tribunal pendant son mandat grâce à sa direction avisée. Son intelligence, sa perspicacité et son engagement inébranlable en faveur de l’état de droit ont fait de lui une personnalité respectée et admirée en la matière. Il a contribué de manière significative au développement du droit de la mer, en particulier dans des domaines tels que la délimitation maritime, le règlement des différends en droit de la mer et le régime juridique de l’Arctique. Sa disparition est une perte profonde pour la communauté juridique internationale et je ne doute pas que son legs continuera à inspirer les futures générations de juristes et de passionnés du droit de la mer.
Nous présentons nos plus sincères condoléances à la famille, aux amis et aux collègues du juge Golitsyn et nous nous joignons à eux pour faire le deuil de sa triste disparition.
Ximena Hinrichs Oyarce
Conférences et évènements du TIDM
Le 24 mars 2023, le Président du TIDM, Albert Hoffmann, a prononcé un discours cérémoniel en tant qu’invité d’honneur du 100e Ostasiatisches Liebesmahl, une manifestation annuelle tenue à l’Hôtel de ville de Hambourg pour promouvoir les relations entre l’Allemagne et la région Asie-Pacifique.
Renforcement des capacités
Le Tribunal, en coopération avec l’Université Côte-d’Azur (Institut de la paix et du développement), organisera un atelier régional à Nice (France) sur le thème « Le rôle du Tribunal international du droit de la mer dans le règlement des différends relatifs au droit de la mer ». L’atelier se tiendra au début du mois de juin 2023.
Le deuxième atelier du TIDM pour conseillers juridiques (parrainé par la République de Corée) aura lieu dans les locaux du Tribunal en juillet 2023. Organisé à l’intention des conseillers juridiques des Ministères des affaires étrangères des États africains, cet atelier d’une semaine permettra aux participants de suivre une série de conférences et de cycles de discussion avec des juges, des universitaires et des praticiens.
Programme TIDM-Nippon Foundation de renforcement des capacités et de formation sur les mécanismes de règlement des différends relatifs à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
Après neuf mois de conférences et de formation, les six boursiers du Programme TIDM-Nippon de renforcement des capacités et de formation sur le règlement des différends relatifs à la CNUDM ont présenté leurs travaux de recherche aux juges à la fin du mois de mars. Leurs travaux ont porté sur les sujets suivants :
« Prompt Release of Vessels and Crews: An Analysis of the “Reasonable Bond/Financial Security” in Case of Marine Environmental Damage » ;
« Incidental Jurisdiction in Disputes under UNCLOS » ;
« Sustainability in Fisheries Subsidies Reform: A Perusal of the WTO Agreement on Fisheries Subsidies » ;
« Arrest, Detention and Release of Vessels under UNCLOS: A Perspective from the Gulf of Guinea » ;
« Les organisations régionales et sous-régionales des pêches en Afrique » ; et
« The Grey Area in the Bay of Bengal: Current Legal Issues and Possible Cooperative Solutions between Bangladesh, India and Myanmar ».
La 17e édition du programme commencera le 17 juillet 2023
Programme de stage
Depuis la dernière lettre d’information, des stagiaires des pays suivants ont effectué un stage au Service juridique du Tribunal : Allemagne, Azerbaïdjan, Bénin, Brésil, Cameroun, Chine, Grèce, Italie, Mexique, Philippines et Singapour.
Réseau des anciens
La série d’événements destinés aux anciens du TIDM s’est poursuivie avec des présentations sur l’action des États en mer, en particulier sur le droit de l’environnement maritime, le recyclage des navires, la protection des investissements relatifs aux câbles sous-marins, la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones ne relevant d’aucune juridiction nationale, et la 27e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Académie d’été IFLOS
La prochaine Académie d’été IFLOS se tiendra du 30 juillet au 25 août 2023. De plus amples informations et le formulaire de candidature en ligne sont disponibles sur le site Internet de la Fondation.
À la rencontre des anciens du TIDM
Mme Vanessa Arellano Rodríguez (Équateur), juriste adjointe, Division des affaires maritimes et du droit de la mer, édition 2021/2022 du programme TIDM-Nippon
Il y a un peu plus d’un an, mon séjour en tant que boursière Nippon au Tribunal touchait à sa fin et je travaillais d’arrache-pied à la préparation des travaux que j’allais présenter aux juges. Aujourd’hui, j’écris ces lignes depuis la Division des affaires maritimes et du droit de la mer (DOALOS) à New York, où je travaille en tant que juriste adjointe.
Travailler à DOALOS et avoir la possibilité de poursuivre une carrière à l’ONU dans le domaine du droit de la mer était mon rêve depuis toujours. Mon travail à DOALOS consiste principalement à accompagner la mise en œuvre de programmes de renforcement des capacités et d’activités de formation en partenariat avec la Nippon Foundation. Le fait d’être de « l’autre côté » me permet d’apporter une contribution grâce à mon expérience de première main et d’avoir quotidiennement conscience de l’importance du renforcement des capacités dans le domaine des affaires maritimes et du droit de la mer.
J’estime qu’on ne cesse jamais d’apprendre. Le droit de la mer, et en particulier l’étude de la Convention (aussi vaste soit-elle), offre toujours quelque chose de nouveau. Mon séjour au Tribunal m’a assurément donné de nombreuses occasions d’apprendre et de m’intéresser à la fois au travail du Tribunal et à l’actualité renouvelée de la CNUDM. Les diverses conférences données par des professionnels dotés d’une expérience et d’une expertise considérables, y compris des juges et des fonctionnaires du Tribunal, étaient de très haute tenue. Les sessions ont été enrichies par la diversité de mes collègues et par les nombreuses conversations avec les conférenciers en dehors de la salle de classe.
En tant que boursière 2021-2022 du TIDM-Nippon, j’ai eu la chance d’assister à la commémoration du 25e anniversaire du Tribunal et, il y a à peine quelques mois, j’ai eu la chance d’assister au 40e anniversaire de l’adoption et de l’ouverture à la signature de la Convention. Le fait d'avoir assisté à ces événements depuis les locaux du Tribunal et à présent depuis le Siège de l’ONU a nourri mon développement professionnel et alimenté ma passion pour ce domaine ainsi que mon désir de continuer à apprendre. Surtout, cela a réaffirmé mon attachement à la Convention, aujourd’hui et à l’avenir. Cela ne fait que quelques mois que je fais partie du réseau de plus de 500 anciens du TIDM et j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer plusieurs d’entre eux. La chaleur avec laquelle nous nous reconnaissons les uns les autres est très particulière et témoigne de la qualité de l’expérience que nous avons vécue pendant notre séjour au Tribunal. Je me réjouis sincèrement de rencontrer et d’échanger des expériences et des connaissances avec les autres !
Manifestations à venir
La dernière session administrative du Tribunal s'est tenue du 20 au 31 mars 2023.
Il sera donné lecture de l’arrêt dans le Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien (Maurice/Maldives) le 28 avril 2023.
L’atelier régional intitulé « Le rôle du Tribunal international du droit de la mer dans le règlement des différends relatifs au droit de la mer » se tiendra les 1er et 2 juin 2023 en France.
Le deuxième Atelier TIDM pour conseillers juridiques (parrainé par la République de Corée) se tiendra du 2 au 7 juillet 2023.
L'Académie d’été IFLOS se tiendra du 30 juillet au 25 août 2023.