Lettre d’information 2018/1
Introduction
Je suis heureux de vous présenter la nouvelle lettre d’information trimestrielle du Tribunal, qui s’adresse à tous ceux que les activités du Tribunal intéressent et qui souhaitent se tenir au fait de nos travaux judiciaires, des manifestations organisées au Tribunal et de nos programmes de renforcement des capacités. J’espère que vous en trouverez la lecture enrichissante !
Mon discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies et ma rencontre avec le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, en décembre 2017, font partie des moments forts de mes premiers mois en tant que Président. Il y a tout juste 50 ans, M. Arvid Pardo prononçait son célèbre discours devant cette même Assemblée et, exhortant les représentants à voir dans les ressources océaniques situées au-delà des limites de la juridiction nationale un « patrimoine commun de l’humanité », appelait de ses vœux l’instauration d’un régime pour administrer ces ressources. Si on a coutume de dire de M. Pardo qu’il est le « père de la conférence sur le droit de la mer », c’est que ses idées et sa détermination ont joué un rôle décisif dans l’organisation de la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer et la rédaction de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Cet instrument a remarquablement bien résisté à l’épreuve du temps et les rédacteurs de l’époque, dans les années 70 et 80, ont en effet réussi à concevoir un régime juridique qui n’a rien perdu de son actualité, comme on peut s’en rendre compte dans le contexte du débat actuel sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine. Le mécanisme de règlement des différends de la Convention n’a, lui non plus, rien perdu de sa pertinence et, comme je le mentionnais dans mon allocution devant l’Assemblée générale, j’ai la certitude que le Tribunal, l’une des principales instances de règlement des différends relatifs à l’interprétation et l’application de la Convention, aura à connaître de sujets très divers dans le cours de ses travaux à venir, qu’il s’agisse de questions environnementales, de délimitation maritime, de saisie et d’immobilisation de navires, ou même de nouvelles questions comme la biodiversité marine. J’en profite également pour vous rappeler que vous êtes toujours les bienvenus au Tribunal et que nous serions heureux de vous y voir à l’occasion d’une audience publique, d’une manifestation, d’une conférence ou d’un séminaire.
Très cordialement,
Jin-Hyun Paik
Président
Affaires
Affaire de la délimitation entre le Ghana et la Côte d’Ivoire
Le Ghana et la Côte d’Ivoire se sont engagés par accord à mettre en œuvre la décision de la Chambre spéciale du Tribunal délimitant la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau continental des parties, y compris au-delà des 200 milles marins. Un communiqué commun du Président Akufo-Addo du Ghana et du Président Ouattara de la Côte d’Ivoire, publié à l’issue de la visite de ce dernier au Ghana les 16 et 17 octobre 2017, souligne « l’esprit fraternel dans lequel le différend maritime entre les deux pays a été traité depuis le départ » et exprime « leur détermination commune à voir la décision de la Chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer (TIDM) sur la délimitation de la frontière maritime entre les deux pays dûment mise en œuvre ». Pour ce faire, les deux dirigeants ont annoncé la constitution d’une commission mixte.
L’affaire du navire « Norstar »
Comme le Président l’annonçait dans son allocution devant l’Assemblée générale des Nations Unies, la procédure orale dans l’Affaire du navire « Norstar » (Panama c. Italie) se tiendra à l’automne de cette année. En novembre 2017, le Tribunal a autorisé la tenue d’un deuxième tour de procédure écrite et fixé les délais de présentation de la réplique du Panama et de la duplique de l’Italie. La phase écrite de l’affaire se terminera en juin 2018 et la procédure orale au fond est prévue pour l’automne 2018.
Membres du Tribunal
Avec l’élection de cinq nouveaux juges (M. Oscar Cabello Sarubbi du Paraguay, Mme Neeru Chadha de l’Inde, M. Kriangsak Kittichaisaree de la Thaïlande, M. Roman Kolodkin de la Fédération de Russie et Mme Liesbeth Lijnzaad des Pays-Bas), le Tribunal voit ses rangs s’étoffer de spécialistes expérimentés issus de diverses traditions judiciaires du monde. Trois d’entre eux connaissent déjà le Tribunal pour y avoir plaidé de l’autre côté de la barre : Mme Chadha, Mme Lijnzaad et M. Kittichaisaree ont représenté leur Etat en tant que conseils dans les affaires Responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et des entités dans le cadre d’activités menées dans la Zone (Demande d’avis consultatif soumise à la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins), Demande d’avis consultatif soumise par la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), Affaire de l’« Arctic Sunrise » (Royaume des Pays-Bas c. Fédération de Russie) et Incident de l’« Enrica Lexie » (Italie c. Inde).
Entretien avec M. le juge Jin-Hyun Paik, Président
Défis, moments forts et avenir :
Mon plus grand défi en tant que Président est de faire en sorte que le Tribunal devienne l’instance prépondérante de règlement des différends relatifs au droit de la mer. La partie XV de la Convention permet bien sûr aux parties d’avoir recours à d’autres moyens de règlement, mais mon souhait est de faire du
Tribunal l’organe judiciaire privilégié pour le règlement des différends relatifs au droit de la mer. Le Tribunal s’est considérablement développé depuis sa création, en 1996, mais il doit poursuivre sur sa lancée et a besoin d’un volume régulier d’affaires pour asseoir sa crédibilité et sa réputation.
A titre personnel, je peux dire que les affaires de délimitation maritime Bangladesh/Myanmar et Ghana/Côte d’Ivoire ont été les moments forts des neuf années que j’ai passées au Tribunal en tant que juge et maintenant en tant que Président. J’ajouterais qu’il est également très gratifiant de voir que des procédures urgentes peuvent contribuer au règlement d’un différend, comme cela s’est passé avec les mesures conservatoires indiquées dans l’affaire de l’ARA Libertad, et que la mise en œuvre des recommandations formulées dans l’avis consultatif du Tribunal dans l’affaire no 21 aide les Etats membres de la CSRP à réprimer et prévenir la pêche INN dans les eaux au large des côtes ouest-africaines.
J’envisage l’avenir avec optimisme. Il me semble qu’avec le temps les Etats auront davantage recours à la compétence consultative du Tribunal plénier, car c’est une fonction qui recèle, à mon avis, un potentiel considérable. La constitution d’une chambre spéciale du Tribunal me semble également d’un grand intérêt pour les Etats, en ce qu’elle allie les avantages d’un organe permanent comme le Tribunal et la souplesse de composition d’une chambre. C’est une option à laquelle les parties devraient certainement réfléchir, car on a vu dans le cas du Ghana et de la Côte d’Ivoire que la décision de la Chambre avait permis un règlement du différend en bonne entente.
Conférences
M. le juge David Attard, Vice-Président du Tribunal, était l’un des invités de marque du colloque sur les perspectives de la gouvernance mondiale des océans (« Perspectives on Global Ocean Governance: Where do we stand and where do we go from here? ») organisé en décembre, à La Vallette, par le Ministère maltais des affaires étrangères et de la promotion du commerce en collaboration avec l’Institut de droit maritime international. Le Greffier, M. Philippe Gautier, y a participé à un débat d’experts sur l’avenir de la gouvernance mondiale des océans. Mettant l’accent sur les problèmes rencontrés à l’heure actuelle par cette gouvernance, M. Gautier a analysé ce thème sous l’angle des mécanismes de règlement des différends.
La Greffière adjointe, Mme Ximena Hinrichs Oyarce, s’est rendue quant à elle à Djakarta pour y représenter le Tribunal au premier atelier de formation ASEAN-ONU sur le droit de la mer, tenu du 12 au 14 décembre. Invitée par la Division des affaires maritimes et du droit de la mer de l’ONU, qui a organisé la manifestation en coopération avec les autorités indonésiennes, elle a eu l’occasion de renseigner les représentants des dix Etats de l’ASEAN sur les activités du Tribunal et de les informer du rôle que celui-ci pourrait jouer dans le règlement des différends. Au nombre des autres sujets abordés durant l’atelier, on citera la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’économie durable des océans, la délimitation maritime, les recherches scientifiques marines et la biodiversité marine, le changement climatique et la sécurité maritime.
Renforcement des capacités
Peu avant Noël, les stagiaires du Service juridique et de la Bibliothèque ont conclu leur stage de trois mois par une série d’exposés et de discussions animées sur des sujets aussi variés que les navires sans équipage, les instances de règlement des différends maritimes et la délimitation du plateau continental.
Pour la période de janvier à mars, nous avons le plaisir d’accueillir quatre nouveaux stagiaires au Service juridique : Mme Sandrine de Herdt (Belgique/Burkina Faso), M. Egor Fedorov (Fédération de Russie), Mme Sicen Hu (Chine) et M. Mitchell Lennan (Royaume-Uni).
Les sept boursiers participant à l’édition 2017/2018 du Programme TIDM – Nippon de formation et de renforcement des capacités au règlement des différends relatifs à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (M. Harvey Mpoto Bombaka, République démocratique du Congo ; M. Nigel Browne, Trinité-et-Tobago ; M. Yara Karam Elabd, Egypte ; M. Nicholas Ioannides, Chypre ; M. Eduardo Jimenez Piñeda, Espagne ; Mme Mutty Ashila Reza, Indonésie ; et M. Sergey Zaytsev, Fédération de Russie) sont revenus à Hambourg après leur séjour de recherche à l’Institut Max Planck de droit public comparé et de droit international de Heidelberg. Ils ont repris leurs cours sur le droit de la mer, qui couvrent des domaines aussi variés que les activités dans la Zone, la nationalité des navires, la délimitation maritime, la responsabilité des Etats pour les activités de pêche dans la ZEE d’autres Etats, les ORGP, les droits de l’homme en mer, le changement climatique et le milieu marin. En janvier, les boursiers et les stagiaires ont visité l’Institut fédéral des géosciences et des ressources naturelles de Hanovre, où des responsables de l’Institut leur ont présenté les travaux qu’ils mènent pour le compte du Gouvernement fédéral allemand dans le cadre de licences d’exploration de nodules de manganèse et de recherches environnementales dans l’océan Pacifique équatorial nord-oriental et d’exploration de sulfure et de recherches environnementales de grande envergure dans l’océan Indien occidental. Ils leur ont également présenté l’équipement lourd employé pour l’exploration des ressources marines. Lors d’une visite à Brest (France), l’avant-dernière semaine de janvier, les sept boursiers ont visité le Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution, le Centre de sécurité des navires, le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et la Préfecture maritime de l’Atlantique.
A la rencontre des anciens
Je me souviens de mon premier jour au Tribunal comme si c’était hier. J’étais fasciné par le bâtiment, car il faut bien reconnaître que ce n’est pas tous les jours qu’on voit un bâtiment pareil, fait de verre et d’acier, à Madagascar. Durant mon stage, tous les jours je me familiarisais un peu plus avec le fonctionnement du Tribunal et je profitais au maximum de toutes les ressources disponibles, à la bibliothèque ou en ligne, pour parfaire mes connaissances sur le droit de la mer et plus particulièrement sur le règlement des différends.
A la fin de mon stage, j’ai eu envie de passer plus de temps dans ce cadre qui m’était si cher, et lorsqu’une deuxième occasion s’est présentée avec le programme Nippon je n’ai pas hésité à postuler. J’ai eu l’immense chance de décrocher une bourse et j’étais aux anges à l’idée de passer près d’un an au Tribunal ! Inutile de vous dire que j’ai mis pleinement à profit les neuf mois passés au Tribunal. Rencontrer les juges, m’entretenir avec eux et apprendre à leur contact, voire même échanger des plaisanteries, ont été des moments inoubliables.
J’ai beaucoup appris au Tribunal, que ce soit en tant que stagiaire ou comme boursier, et mon poste actuel de Directeur des affaires juridiques de l’Administration maritime de Madagascar me permet de mettre pleinement à profit mes connaissances, puisque l’une de mes attributions essentielles est d’harmoniser la législation maritime de Madagascar avec les règles des conventions internationales.
Mon passage au Tribunal m’a également permis de me constituer un vaste cercle d’amis internationaux qui partagent mon intérêt pour le développement du droit de la mer. Faire partie de l’histoire du TIDM était une chance. Réflexion faite, j’en fais encore partie !
Manifestations à venir
Conférence Maritime Talks
La Fondation internationale du droit de la mer organisera sa conférence annuelle au Tribunal le samedi 17 mars 2018, sur le thème « Migrants at Sea - Practical and Legal Aspects of the Refugee Situation in the Mediterranean ». Pour plus de détails, veuillez consulter le site de la Fondation.
Académie d’été IFLOS
La 12e Académie d’été IFLOS se tiendra au Tribunal, du 22 juillet au 17 août 2018, sur le thème « Promoting Ocean Governance and the Peaceful Settlement of Disputes ». Les candidatures peuvent être déposées sur le site de l’Académie d’été.