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Lettre d'information 2024/3

Lettre d'information 2024/3 - décembre 2024

Introduction

Alors qu’une nouvelle année riche en événements touche à sa fin, j’ai le plaisir de partager avec vous certains des moments les plus mémorables des activités récentes du Tribunal. Au cours des derniers mois, j’ai eu le privilège de représenter le Tribunal lors de plusieurs conférences et forums à travers le monde, dont beaucoup ont célébré le trentième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Ces rencontres étaient autant d’occasions inestimables de mettre en relief le rôle crucial du Tribunal dans la défense du régime juridique instauré par la Convention.

L’un des thèmes principaux de mes interventions était l’avis consultatif rendu par le Tribunal en réponse à la Demande d’avis consultatif soumise par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international, qui a tout particulièrement suscité l’intérêt des États, des universitaires et des praticiens. L’avis reflète la volonté indéfectible du Tribunal de relever les défis contemporains auxquels la communauté internationale est confrontée, y compris, comme dans cet avis, les effets nuisibles du changement climatique sur le milieu marin et ses conséquences dévastatrices pour les petits États insulaires. En clarifiant certaines questions juridiques liées aux objectifs de la Convention et en promouvant le règlement pacifique des différends, le Tribunal renforce encore davantage le régime de la gouvernance durable des océans. Les dialogues et les collaborations suscités par ces rencontres étaient profondément encourageants. Qu’il s’agisse de discussions universitaires ou d’échanges avec des responsables gouvernementaux, le vaste intérêt affiché pour les travaux du Tribunal confirme l’importance de ce dernier dans l’interprétation de la Convention et la formation du droit de la mer à venir.

S’agissant des activités de renforcement des capacités, je suis heureux d’annoncer que le Tribunal prévoit d’organiser un certain nombre d’ateliers en 2025, ce qui renforcera le partage des connaissances et favorisera une meilleure compréhension des travaux du Tribunal, en particulier parmi les pays en développement et les régions les plus touchées par les défis liés au droit de la mer.

J’espère que vous prendrez plaisir à lire cette lettre d’information.

Très chaleureusement,

Tomas Heidar
Président


Affaires au Tribunal

Affaire No. 32 : Affaire du navire « Heroic Idun » (No. 2) (Îles Marshall/Guinée équatoriale)

Conformément à l’ordonnance du Président de la Chambre spéciale du 25 juillet 2024, le deuxième tour de procédure écrite est en cours, la duplique de la Guinée équatoriale étant attendue pour le 24 mars 2025.

Affaire No. 33 : Affaire du « Zheng He » (Luxembourg c. Mexique)

Conformément à l’ordonnance 2024/3 du 8 août 2024, le mémoire du Luxembourg est attendu pour le 10 février 2025 et le contre-mémoire du Mexique est attendu pour le 11 août 2025.


Entretien avec M. le juge Joyini (Afrique du Sud)

Élu en juin 2023, vous êtes l’un des membres les plus récemment élus du Tribunal. Qu’est-ce qui vous a incité à poursuivre une carrière en droit international et comment ce parcours vous a-t-il conduit à devenir juge au Tribunal ?

Je suis en effet l’un des membres les plus récemment élus du Tribunal. J’ai été élu le 14 juin 2023 au Siège de l’ONU à New York et j’ai prêté serment, avec les autres nouveaux membres, lors d’une cérémonie qui s’est déroulée le 2 octobre 2023 au Tribunal, à Hambourg (Allemagne).

C’est l’équipe de juristes du Bureau du Chief State Law Adviser (International Law), à savoir le Service juridique du Ministère sud-africain des affaires étrangères, qui m’a incité à poursuivre une carrière en droit international. Comme je voulais vraiment faire partie de cette équipe de juristes internationaux, j’ai étudié le droit international à la University of South Africa et obtenu un LLM en 2007. L’année suivante, en 2008, j’ai intégré le Service juridique, où je me suis spécialisé dans les questions relatives aux océans et au droit de la mer.

C’est ainsi qu’a débuté le parcours qui m’a conduit à devenir juge au Tribunal. Cependant, je n’étais pas certain de vouloir devenir juge jusqu’à ce qu’il m’arrive quelque chose de très inattendu : j’ai été invité à siéger en tant que juge à la High Court of South Africa, à Pretoria, en 2019. Cela m’a ouvert les yeux. J’aimais être juge, et quitter la magistrature à la fin de mon mandat fut difficile. J’ai eu aussi beaucoup de mal à me réadapter à mon travail au Service juridique. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’être juge était ma vocation et ce que je voulais faire dans la vie. Depuis lors, je n’ai jamais regardé en arrière. Il était clair que la graine était plantée et que ce n’était qu’une question de temps avant que je ne devienne juge.

Avant de devenir juge, vous étiez chef de la délégation sud-africaine auprès de l’Autorité internationale des fonds marins et vous êtes actuellement membre de la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du Tribunal. D’après votre expérience, quel rôle pensez-vous que la Chambre jouera à l’avenir ?

En tant que chef de la délégation sud-africaine auprès de l’Autorité internationale des fonds marins (ISA ou Autorité), j’ai été confronté à un grand nombre de questions. J’ai également été Vice-Président de la Commission juridique et technique de l’ISA. En outre, j’ai participé aux réunions du Conseil et de l’Assemblée de l’ISA en tant que coordinateur du Groupe africain. J’ai également négocié, au nom du Groupe africain, les mécanismes de paiement financier, qui constituent l’un des chapitres du projet de code minier. 

Je suis également membre de la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins (Chambre), qui est investie, de par sa compétence contentieuse et consultative, « de la fonction exclusive d’interprétation de la partie XI de la Convention et des annexes et règlements pertinents ». Comme vous vous en souvenez peut-être, le 1er février 2011, la Chambre a rendu son premier avis consultatif sur les obligations des États qui patronnent une demande. 

Le secteur de l’exploitation minière des grands fonds marins et ses opérations dans le monde entier pourraient devenir une réalité très bientôt, une fois que l’Autorité aura mis en place le règlement d’exploitation en cours d’élaboration sous la forme du Code minier. Une fois que l’exploitation minière des grands fonds marins commencera, il est possible que des litiges surgissent qui nécessitent l’attention de la Chambre. L’article 187 de la CNUDM confère à la Chambre une compétence étendue à l’égard des différends découlant d’activités menées dans la Zone, qui comprend la zone internationale des fonds marins. Je prévois donc que la Chambre aura un rôle très important à jouer à l’avenir.

L’année dernière, la communauté internationale a célébré le trentième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention. Quelles opportunités et quels défis voyez-vous pour le Tribunal dans la poursuite de sa fonction de règlement des différends, en particulier ceux impliquant des États africains, relevant de l’interprétation et de l’application de la Convention ?

Le nombre considérable de litiges frontaliers en Afrique représente un défi majeur, tout comme la faiblesse des régimes juridiques et la mauvaise mise en œuvre des cadres juridiques existants. Parmi les autres obstacles, on peut citer le manque de préparation des États africains à reconnaître et affronter les défis et les menaces maritimes auxquels ils sont confrontés ; la dépendance excessive à l’égard du pétrole, qui a entraîné l’arrivée de puissantes sociétés étrangères souvent très difficiles à réglementer ; et la capacité inadéquate à élaborer et à mettre en œuvre une réglementation suffisante. Les régimes politiques instables et fragiles de nombreux États côtiers africains aggravent les problèmes qui entravent la gestion de leurs zones maritimes. Les opérations maritimes criminelles et illégales affectent non seulement les États continentaux, mais aussi les États insulaires d’Afrique. Certaines de ces questions sont susceptibles de dégénérer en différends dont le Tribunal pourrait être saisi à l’avenir.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes diplomates et universitaires africains qui s’intéressent au droit de la mer ?

Je voudrais conseiller aux jeunes diplomates et universitaires africains qui s’intéressent au droit de la mer de tirer parti des possibilités offertes par le TIDM, à savoir le programme de stage, le programme TIDM-Nippon Foundation de renforcement des capacités et de formation sur le règlement des différends, et l’Académie d’été parrainée par la Fondation internationale pour le droit de la mer.

Je les encourage à apporter d’importantes contributions à l’avancement de l’état de droit régissant les mers et les océans, et à élargir la portée de leurs contributions en tirant parti des possibilités susmentionnées.

Enfin, je les invite à continuer à développer leur intérêt pour le droit de la mer, à mener des discussions actives et vigoureuses, et à être la pierre angulaire de la paix et de la stabilité dans les affaires concernant les mers et les océans.


Conférences et manifestations du TIDM

Le troisième atelier du TIDM pour conseillers juridiques (parrainé par la République de Corée), qui s’est achevé en septembre, était un succès. Cet atelier, spécialement conçu pour les conseillers juridiques des États d’Amérique latine et des Caraïbes, a comporté des présentations du Président Heidar, de la Vice-Présidente Chadha, des juges Cabello Sarubbi, Infante Caffi, Brown, Armas Pfirter et Rhee, ainsi que de la Greffière Hinrichs Oyarce.

Le Président Heidar et les juges Infante Caffi, Caracciolo, Rhee et Kamara ont participé à la 9Conférence internationale sur le droit de la mer, intitulée « 30 ans de CNUDM : hier, aujourd’hui et demain », organisée conjointement par le TIDM et le Ministère coréen des affaires étrangères à Séoul en novembre.

Au cours des derniers mois, le Président Heidar a fait plusieurs discours et présentations sur les thèmes suivants : « Law-Science Interfaces within the Law of the Sea and Fresh Water Law », à la Conférence H2OLAW à l’Université de Leyde ; « The Law of the Sea Convention as a Living Instrument: The ITLOS Advisory Opinion on Climate Change », à la Conférence annuelle NCLOS à Trømso ; « The Role of ITLOS in the Development of the International Law of the Sea », à la session inaugurale de l’Institut colombien du droit de la mer à Bogotá ; la jurisprudence récente du TIDM, lors de sa visite aux Philippines, à l’Université des Philippines, à la Commission sur le changement climatique, au Bureau du Solicitor-General et au Ministère des affaires étrangères ; « The Contribution of ITLOS to the Development of International Law: From ‘a Ship as a Unit’ to the Continental Shelf and Climate Change », dans le cadre des Centre for International Law Distinguished Lecture Series à Singapour ; et l’avis consultatif du TIDM sur le changement climatique et d’autres jurisprudences récentes, lors de l’édition 2024 du colloque sur le règlement des différends maritimes internationaux et le droit international, lors d’un atelier de formation connexe et à l’Université de Pékin.

Le 12 décembre, la Vice-Présidente Chadha s’est adressée à la soixante-dix-neuvième session plénière de l’Assemblée générale des Nations Unies lors de l’examen du point 75 a) de l’ordre du jour intitulé « Les océans et le droit de la mer ».


Renforcement des capacités

Nos stagiaires sortants, M. Amédée Cloet (Belgique), M. John Saylay Singbae II (Libéria) et Mme Tajra Smajic (Bosnie-Herzégovine) ont présenté leurs projets de recherche avant leur départ en juin. Ces projets portaient sur les thèmes suivants : le rôle de la CNUDM dans la préservation de la biodiversité des zones côtières, les études d’impact environnemental dans le cadre de la CNUDM et de l’Accord BBNJ, et l’incidence de l’avis consultatif sur l’exploitation minière des fonds marins. Actuellement, M. Mahamat Annouar (Tchad), Mme Stephanie Prufer (Brésil), M. David Roucek (République tchèque) et M. Viet Tran (Viet Nam) sont attachés au Service juridique pour un stage d’été. Ces quatre stagiaires ont été rejoints par six boursiers, Mme Keneilwe Chakalisa (Botswana), M. Ibrahim Abdu Mohammed (Érythrée), Mme Anita Rayegani (Hongrie/Canada), M. Yousef Salah (Libye), M. Perumal Thulasidhass (Inde) et Mme Khawla Wakkaf (Syrie). Le dix-huitième programme TIDM-Nippon Foundation de renforcement des capacités et de formation sur le règlement des différends relevant de la CNUDM a commencé cette semaine pour ces six boursiers, qui ont rejoint environ 40 participants à la session 2024 de l’Académie d’été du TIDM, qui se tiendra au Tribunal du 28 juillet au 23 août 2024.

À la suite de deux ateliers particulièrement réussis qui ont été organisés pour les conseillers juridiques des ministères des affaires étrangères d’États du sud-est asiatique, des îles du Pacifique et de plusieurs pays d’Afrique, nous nous réjouissons d’accueillir des représentants des États d’Amérique latine et des Caraïbes au troisième atelier TIDM pour conseillers juridiques (parrainé par la République de Corée), qui se déroulera du 1er au 6 septembre 2024. Le Président Heidar, la Vice-Présidente Chadha, M. le juge Rhee et les quatre juges originaires de la région latino-américaine et caribéenne donneront des conférences et feront des présentations, aux côtés d’un ensemble d’universitaires et de praticiens experts du droit de la mer.


À la rencontre des anciens

Bernard Blazkiewicz, Juriste, Commission européenne, Direction générale des affaires maritimes et de la pêche (Unité B.2 Organisations régionales de gestion de la pêche)

Il m’a fallu du temps pour me remémorer mon stage au Tribunal puisqu’il s’est déroulé au XXsiècle, à une époque où le Siège du TIDM se trouvait encore dans le centre de Hambourg et où seules quelques personnes possédaient des téléphones portables (et non des smartphones).

Je considère que mon stage au TIDM a été déterminant pour ma carrière de juriste. Lorsque je suis arrivé au TIDM, j’étais en train de rédiger mon mémoire de maîtrise en droit maritime à l’Université de Gdansk sur le thème des connaissements en droit anglais. J’avais l’intention de profiter de la vaste bibliothèque du TIDM, parfaitement gérée par Ellen Schaffer. Une coïncidence a fait que le premier jour de mon stage, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déposé une demande de mesures conservatoires introduisant les affaires nos 3 et 4 relatives au thon à nageoire bleue. Ces affaires m’ont beaucoup occupé pendant le reste de mon séjour, bien au-delà de mes recherches sur les connaissements.

Le Tribunal a tenu des audiences publiques dans ces affaires, sous la présidence du regretté Thomas Mensah. J’assistais les juges en effectuant des recherches juridiques sur les mesures conservatoires dans les tribunaux internationaux et sur l’approche/le principe de précaution en droit de la mer. À l’époque, j’ai découvert les concepts de rendement maximal durable et de BLIM (point de référence de la limite de la biomasse). J’ai vu comment les modèles mathématiques et les sciences naturelles pouvaient influencer l’application du droit. Cette interaction entre la science et le droit forme le cœur de mon travail actuel à la Commission européenne à la DG MARE.

Après mon stage, j’ai développé un vif intérêt pour le droit de la mer et me suis éloigné du droit maritime. J’ai suivi les cours d’été en droit de la mer de l’Académie Rhodes en Grèce et du International Ocean Institute (IOI) au Canada. De 2002 à 2004, j’ai suivi un programme de LLM à la Dalhousie University au Canada axé sur l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest et l’application de la réglementation en matière de pêche. Pendant mon séjour au Canada, j’ai également dispensé une formation en droit de la mer organisée par l’IOI à l’intention des pays en développement. À la même époque, j’ai eu le plaisir de travailler avec la regrettée Elisabeth Mann Borgese, fondatrice de l’IOI. Après mes études de troisième cycle, j’ai passé plusieurs mois en tant que chercheur au bureau juridique de l’Union mondiale pour la nature à Bonn, en me concentrant sur les ressources génétiques des grands fonds marins. Après avoir été admis au barreau en Pologne, j’ai travaillé pendant un certain temps dans un cabinet d’avocats d’affaires.

Pourtant, j’ai ressenti l’appel des affaires maritimes. En 2006, j’ai rejoint le service diplomatique de la Commission européenne, travaillant à la délégation de l’UE pour le Pacifique basée à Suva (Fidji). J’étais chargé des programmes régionaux de l’Union européenne pour le Pacifique liés au secteur marin et, en particulier, du renforcement de l’efficacité des pêcheries régionales (Commission des pêches du Pacifique central occidental). J’ai ensuite travaillé à Bruxelles au sein de l’unité juridique de la Direction de la politique européenne de voisinage et des négociations d’élargissement, où j’ai traité diverses questions juridiques liées aux politiques extérieures de l’UE.

En 2017, je suis « revenu » au droit de la mer en rejoignant la DG MARE, où je travaille toujours. Je travaille sur l’application du droit de la mer au sein de l’unité ORGP (organisations régionales de gestion des pêches). Je participe à la représentation extérieure de l’Union européenne auprès des ORGP. Cela comprend la négociation des mesures de conservation et de gestion ainsi que la supervision des secrétariats des ORGP. Je rédige également la législation européenne transposant les obligations internationales des ORGP dans le droit communautaire. Cela implique de collaborer avec les co-législateurs de l’UE, le Parlement européen et le Conseil, jusqu’à la publication des lois au Journal officiel.

Même après tant d’années d’expérience dans le domaine des affaires maritimes, l’interaction entre la science, le droit et le comportement humain en mer me laisse toujours perplexe. Je suis ravi que mon stage au TIDM m’ait mis sur la voie de sujets aussi passionnants.


Manifestations à venir

  • La cinquante-neuvième session du Tribunal se tiendra du 31 mars au 11 avril 2025.